Animées par la passion de la mer et l’engagement de protéger la biodiversité marine, des associations des villes d’Oran, d’Annaba, d’Alger et de Boumerdès se sont lancées le défi de repeupler le fond marin du littoral en y construisant des récifs artificiels, des  »maisons » pour les poissons et les espèces végétales.

Au commencement, l’idée semblait presque irréaliste, d’autant plus qu’aucun appui juridique n’ouvrait la voie à la concrétisation de ce projet ambitieux de récifs artificiels, mais la ténacité des membres de ces associations a fini par faire bouger les choses, contribuant ainsi à l’émergence d’une prise de conscience collective quant à l’importance de régénérer des zones marines qui ont subi les affres de la pollution.

En 2015, l’association écologique marine Barbarous d’Oran, à l’ouest du pays ouvre le bal, dans une première à l’échelle nationale, en procédant à l’immersion d’un récif artificiel au niveau de la baie de Bousfer. Une année après, l’association « Hippone Sub » d’Annaba, à l’Est du pays, lui emboite le pas et fait immerger sa première charpente métallique, dans les profondeurs de Ras El Hamra.

Ces projets pionniers ont conduit à la promulgation d’un décret exécutif qui régit les récifs artificiels en Algérie et ont ouvert grandement la porte aux idées innovantes versées dans la préservation, la régénération des écosystèmes marins et la protection du patrimoine halieutique.

Au fil du temps, de manière graduelle mais constante, la vie renaît dans de multiples zones des fonds marins du littoral algérien. Ce qui était initialement un petit projet de récif artificiel est devenu un véritable défi pour les passionnés de la Grande bleue en Algérie et sa dimension pédagogique a rapidement captivé l’attention de plusieurs universités et instituts de biologie marine.

Plus de 130 espèces animales et végétales revenues à des fonds marins autrefois déserts

 »L’immersion du premier récif artificiel pilote, constitué de modules en béton, dans la baie de Bousfer était non seulement un moment fort qui couronnait un travail de longue haleine mais démontrait surtout qu’on peut faire beaucoup de choses pour protéger les fonds marins, lutter contre la pêche illégale, faire émerger une économie bleue et un tourisme durable », confie le président de l’association écologique marine Barbarous, Amine Chakouri, à l’APS.

Et d’ajouter avec enthousiasme:  »Les résultats du projet-pilote étaient très satisfaisants, car six mois après l’immersion du récif, on dénombrait 38 espèces animales et végétales. En une année, le nombre est passé à 75 espèces ».

Actuellement, de nouvelles espèces marquent toujours leurs arrivée, y trouvent un lieu de vie et de reproduction et le récif est devenu  »un aquarium scientifique » pour les universitaires et biologistes, affirme M. Chakouri.

La concrétisation de ce projet a valu à l’association le Prix de « la meilleure pratique en matière de recherche et collecte des données sur la pêche artisanale », lors de la conférence de haut niveau sur la pêche artisanale en Méditerranée et en mer noire organisée par la Commission Générale des Pêches pour la Méditerranée (CGPM) en 2018.

Pour le président du club  »Hippone Sub » d’Annaba, Karim Chikhi, l’immersion en 2016 du récif artificiel composé de 5 modules de 100 m2, montés sur charpente métallique dans les profondeurs de Ras El Hamra était  »l’aboutissement d’un parcours long et compliqué auquel le club y croyait ».

Depuis 2016, quelque 55 espèces vivantes de différents poissons, de mollusques et de crustacés ainsi que des espèces végétales nécessaires à la biodiversité ont peuplé ‘les maisons de la mer d’Annaba’, et la régénération des écosystèmes se fait graduellement avec le retour à la région de plusieurs espèces de poissons retrouvant dans ces récifs artificiels leur ancien habitat.

En 2017 la promulgation du décret exécutif n17-363 du 25 décembre 2017, fixant les modalités de création des récifs artificiels, est venue confirmer une prise de conscience collective sur l’importance de la mise en place de ces dispositifs pour protéger l’écosystème marin et libérer les initiatives.

Le décret a décentralisé les décisions de l’approbation des demandes d’immersion des récifs artificiels, donnant aux autorités locales, à travers des commissions multisectorielles les prérogatives d’approbation et la responsabilité d’assurer leur pérennité, relève la sous directrice de la pêche artisanale, côtière et au large, au ministère de la Pêche et des Productions halieutiques, Naima Mouchouka, dans une déclaration à l’APS.

Elle ajoute qu’à travers ce décret, le département de la Pêche et des Productions halieutiques accompagne les intervenants, associations, chercheurs ou instances dans leurs actions visant l’immersion de récifs artificiels conçus en matière non polluante, relevant que les récifs peuvent être de « protection » (récifs anti-chalutage), réduisant les nuisances liées au chalutage illégal dans la bande côtière ou des « récifs paysagers » dont le rôle est récréatif et ludique pour la plongée sous-marine et la pêche récréative.

Il peut, en outre, s’agir de récifs de production (véritables maisons à poissons, créateurs de biodiversité et de biomasse).

Depuis, plusieurs projets ont été lancés dans plusieurs wilayas du littoral, grâce à un vaste programme de coopération entre les associations versées dans la protection des fonds marins et les universités nationales. Les récifs artificiels ont également ouvert la porte à des formations dans les métiers marins dont la soudure marine.

Une coopération internationale a été également scellée dans ce domaine.

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